Anthologie

poemla-maison.jpg 1930: – Dans ‘La Bretagne à Paris’, ‘La Maison’ signé Yannick FOUÉRÉ.

Aussi publié en Annexe de la nouvelle édition, 2011, de ‘La Maison du Connemara’.

2011:- Traduit en Anglais et publié dans la traduction de son livre ‘La Maison’ in Connemara’.

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Printemps 1942, écrit par Yann Fouéré:-

‘Sur la route de Morlaix à Quimper’

J’ai fait souvent la route au flanc de la montagne

Dans l´horizon muet de la mer et des champs,

Par les landiers dorés qui couvrent la campagne

d’où l’on voit presque tout mon pays qui s’étend.

 

Je l’ai faite au printemps, je l’ai faite à l’automne,

Par des jours où le vent emporte les cheveux,

Par des jours où le ciel est pur et monotone

Sur le lac de Botmeur qui se teinte de bleu.

 

J’y ai vu le vent fou pousser tous ses nuages

A l’assaut des sommets échevelés des monts,

Et St.Michel surgir du ciel à leur passage

Monumental et noir au fond de l’horizon.

 

J’y ai vu le printemps éclore sur la lande

Paré des mille feux des humbles fleurs des champs,

Le soleil et la pluie danse sa sarabande

Sur les bourgs aux toits bleus et leurs flèches d’argent.

 

Et par des matins doux comme un jour de baptême

J’ai souvent parcouru, tout seul et à pas lents,

Les chemins détournés où le rêve est le même

Que celui que ma race a fait depuis mille ans.

 

Et j’ai vu se lever de toutes les chaumières,

Surgir des chemins creux et des toits pleins de ciel

Tous ceux qui ont fermé leurs yeux à la lumière

Pour que je reste libre et droit sous le soleil.

 

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1995 Extrait de ‘La Maison du Connemara’

LE VENT

Le vent commence doucement.

Il sait se faire aimable.

Il est rare qu’une petite brise de mer soit absente,

fraîche en été, par vent d’ouest,

plus sèche si elle vient de l’est.

Elle n’est souvent qu’une simple caresse

avec une petite odeur de sel.

Mais lorsque les saisons tournent ou qu’un gros temps s’annonce,

la brise se fait plus insitante.

Elle joue d’abord sur trois notes,

en faisant vibrer les joints métalliques qui entourent les fenêtres afin de les fermer plus hermétiquement.

Il vaut mieux déjà en serrer les poignées.

Il est temps de mettre hors d’eau barques et curraghs,

de les remonter sur le rivage et de les amarrer.

Le murmure du vent devient rumeur lorsqu’il prend la place de la brise.

Il insiste, accélère sa pression,

il utilise les moindres interstices.

Il commence à siffloter.

Il siffle bientôt tout à fait

et de plus en plus fort.

La rumeur accélère sa puissance:

elle grandit et devient tumulte.

Son souffle, au-dehors, commence à lever la mer

et à blanchir la crête de ses vagues.

Le vent explore les interstices,

s’engouffre dans les fentes, les passages et les conduits de cheminée

qu’il remplit d’un souffle puissant.

Il s’accroche aux arêtes des pignons et aux pierres des murs,

s’énervant de ces obstacles.

Il fait trembler les portes et les secoue.

Il monte a l’assaut,

il courbe et couche la vegétation.

Il demande des renforts qui accourent du fond de l’horizon,

parfois tout d’un coup, parfois en rafales, avec le bruit sourd et puissant d’un lourd convoi qui viendrait des entrailles de la terre.

Il cherche à arracher les ardoises du toit

que l’on entend peiner et claquer sur le feutre bituminé qui couvre  les solives.

Le toit tout entier tremble et fait grincer les poutres.

C’est la tempête, l’ouragan.

Il claque si fort les portes que l’on ne peut plus les ouvrir.

Il vacarme, tapage, hurle, tourbillonne avec un bruit de tonnerre,

de bombardement, qui dure parfois plusieurs jours.

L’espace est plein de fracas et de tumulte qui remplissent le ciel où les nuages ont le pas de course.

La mer se recouvre d’écume.

Elle secoue ses embruns comme de longs cheveux blancs.

Elle devient couleur de plomb fondu.

La tempête fait voler les mottes de tourbe, les caisse vides

et tout ce qu’elle rencontre et qui ne serait pas solidement amarré.

Les murs extérieurs des viviers sont inaccessibles.

Ils sont recouverts d’algues visqueuses arrachées aux rochers

et d’une épaisse couche d’écume mouvante dans laquelle on enfonce jusqu’aux genoux.

Si on sort, le vent veut vous déshabiller.

Il vous coupe le souffle:

il faut courber le dos, s’accrocher pour éviter d’être renversé,

rechercher le moindre abri pour y reprendre sa respiration.

Il arrive que la tempête s’accompagne parfois des averses d’une pluie drue.

Dans ce cas, c’est pire encore:

la pluie est presque horizontale;

elle cingle et griffe le visage;

elle descend dans les vêtements.

Poussée par l’ouragan, elle pénètre les moindres interstices,

s’infiltre sous les ardoises du toit,

entre les portes et les fenêtres et leur chambranle.

Irrésistiblement elle entre en nappes ou en bulles vers l’intérieur.

Il faut calfeutrer toutes les ouvertures,

les doubler de serpillières, de chiffons, de sacs de toile ou de vieux journaux qui ne tardent pas à être trempés.

Toutes les gouttières débordent en cataracte lorsqu’elle ne s’envolent pas…

Il m’est arrivé, trempé, de m’accrocher avec mes hommes,

aux cordes accrochées au-dessus des solives des toits en fibrociment de nos ateliers  pour les aider à résister aux rafales.

Lorsque la tempête coïncide avec une grande marée, alors c’est la catastrophe.

On ne distingue pas les murs extérieurs du vivier,

ni les rochers qui bordent la plage, chevauchés par l’eau glauque et grise des lames.

Les troncs d’arbre qui, en été, servent de soutien à nos écrans de protection sont emportés avec les blocs de béton et les amarres:

ils flottent au milieu de l’écume.

Nos viviers flottants cassent leurs mouillages, se brisent parfois contre les murs.

lorsque le vent s’arrête, épuisé, au bout de quelques heures ou de quelques jours,

et que l’on peut sortir sans danger,

il ne reste plus qu’à aller constater les dégâts et à les réparer.

Cela dure parfois des jours, des semaines ou des mois…

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Á  MON PÈRE                             Janvier 2003

De l’église au cimetière pieusement

J’ai refait le chemin ou je t’avais conduit

Dernier chemin avant l’ensevelissement

Au caveau preparé pour abriter ta nuit.

 

Les croix et les couronnes entourant humblement

Les souvenirs des morts dans cet enclose sans bruits

La foule est là pourtant qui, inlassablement

Ranime la mémoire de ceux que les ont quité

 

L’éternité s’impose inéluctablement

Tu nous la donne a tous intensément

A tous ceux qui nous suivrons dans ton enclos de nuit

Pour dormir près de toi tout éternellement

 

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EN GUISE D’ADIEU

 

C’est mon corps seulement que vous mettez en terre

 Car je vous laisserai l’écho de mes combats,

 Que l’exil, la prison, la crainte ni la guerre

 Qui ne m’ont arrêté, ne vous arrêtent pas!

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Amis quand vous mettrez mon corps au cimetière

Songez au pays fier que vous ferez demain

Tel que je l’ai rêvé, debout dans la lumière

Et dans la clarté de son nouveau matin

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Lorsque je fermerai mes yeux à la lumière

ne me laisser pas seule sur mon chemin

Soyez tous près de moi avec votre prière

Pour brandir le flambeau échappé de ma main