Texte de la Conférence-Débat par Erwan Fouéré, « L’Europe des Régions, une nécessité urgente pour sauver l’Europe ».

Conférence-Débat par Erwan Fouéré

« L’Europe des Régions, une nécessité urgente pour sauver l’Europe ».

Samedi 19 octobre 2013

 

Le titre de cette conférence à pour but d’essayer de souligner la crise que traverse l’Europe actuellement. C’est une crise qui a débuté du point de vue financier avec plusieurs pays qui ont déjà fait faillite : l’Irlande, l’Espagne…..

 C’est une crise qui a rappelé aux chefs d’États de l’Union Européenne que nous ne pouvons pas continuer d’aller d’une crise à une autre sans des changements fondamentaux dans la manière de prises de décisions en Europe. Et donc bien que cette crise ait débuté par la Finance, c’est aussi une crise institutionnelle et politique qui a démontré la faillite de la gouvernance actuelle en Europe. Cela c’est joint à une régression dans beaucoup de domaines des respects des droits fondamentaux des minorités.

 Il est essentiel qu’il y ait une réponse à cela. Malheureusement la majorité des chefs d’États actuels ne voient pas au-delà des échéances électorales.

Il y a très peu d’audace en ce moment en Europe parmi les Chefs d’États, très peu d’hommes de vision comme nous avions dans les années 50-60, les pères fondateurs de l’intégration européenne. C’est ça aussi qui fait défaut en Europe et qui renforce l’état de crise que nous vivons actuellement.

Cette crise a donc démontré les faiblesses institutionnelles au sein de l’Europe.

Pensez-vous que malgré la gravité de la crise économique, il a fallu plus de 2 ans aux chefs d’Etats pour établir une autorité de suppression sur les banques, qui va entrer en vigueur l’année prochaine pour prévenir les excès qui ont eu lieu par les banques à la fois en Irlande, en Espagne, en Italie etc… et qui a vraiment démontré qu’il fallait renforcer l’intégration européenne.

Beaucoup des origines de cette crise ont commencé bien avant, parce qu’au moment où l’Euro a été établi, il n’y a pas eu de décisions pour renforcer les politiques économiques, faire une véritable intégration politique. Cela démontre aussi le manque de courage des hommes d’États à cette époque là. Donc la faiblesse des États membres, la faiblesse des institutions, le manque de légitimité des gouvernements actuels.

On aurait pu penser que cette situation aurait provoqué une plus grande prise de conscience parmi les leaders européens, malheureusement comme je vous l’ai dit, les visions ne vont pas au-delà des échéances électorales.

Si on prend seulement le cas de la France où la situation économique est aussi très grave avec un taux de chômage très élevé, pas aussi élevé qu’en Espagne où en Irlande mais qui affecte surtout les Régions périphériques, telle que la Bretagne. D’ailleurs les titres des journaux d’aujourd’hui le soulignent. Et quelle est la réponse du gouvernement français ? Au lieu de promouvoir une flexibilité dans le marché de l’emploi, il renforce les entraves pour empêcher cette initiative qui pourrait marcher très bien au niveau local, et au lieu d’encourager les possibilités d’initiative des citoyens, le gouvernement centralisateur augmente les entraves administratives etc… pour empêcher cela, et donc l’épanouissement des Régions ne peut pas se faire dans un pays si centralisateur que la France.

Du point de vue politique aussi, pourquoi est-ce que la France et la Grèce sont les deux pays qui continuent à refuser de ratifier le traité des langues minoritaires de l’Europe. C’est pourtant tellement simple, il suffit de changer la constitution. Nous en Irlande, nous avons changé notre constitution pour reconnaître l’Irlande du Nord, donc on cédé du territoire. C’est quelque chose d’extraordinaire quand on pense au passé. Mais c’était pour reconnaître les droits des populations d’Irlande du Nord.

 La France devrait admettre des changements dans sa constitution de façon à reconnaître l’existence du Breton et des autres langues minoritaires sur son territoire. Cela prouve encore le manque de courage et la faiblesse de certains États membres et leur manque de légitimité.

Ce que beaucoup d’entre-nous craignent à Bruxelles, c’est ce qui va se passer l’année prochaine (2014) avec les élections européennes. Au mois de mai auront lieu les élections au parlement européen, malheureusement, on a vu lors des élections précédentes que le taux de participation est assez bas, ce qui montre une faiblesse des institutions européennes de faire valoir l’importance du parlement européen dans la vie quotidienne des citoyens européens. Le parlement à le droit de prendre des décisions qui affectent la vie de chacun.

 Malheureusement, les voix les plus fortes que nous entendons déjà dans la préparation des élections, et elles seront encore plus fortes l’année prochaine, sont celles des partis populistes. Ceux sont des partis qui sont contre l’idée de base des valeurs de l’intégration européenne, qui prêchent des politiques contre la tolérance et les différences, et malheureusement encouragent les extrémismes, et quand on voit les pourcentages de cas de xénophobie, de racisme dans beaucoup de nos pays, c’est très inquiétant quand on voit les statistiques, et cela démontre un danger que le parlement européen sera peut-être dominé par ces partis populistes qui ne voient pas l’intégration européenne comme un but en soi mais, au contraire, ont une idée tout à fait différente de ce que devrait être l’intégration européenne. Ces partis sont aussi contre une des politiques qui a eu le plus grand succès : c’est la politique de l’élargissement, c’est à dire d’inclure des pays démocratiques, des pays qui sont sortis du communisme ; inclure ces pays, suivant des conditions très rigides évidemment.

J’ai vécu 9 ans dans les pays des Balkans et je peux vous dire que la seule chance de stabilité de ces pays qui sont nos voisins, ils sont à nos côtés – beaucoup de gens prennent des vacances en Croatie ou autres. Donc la seule chance pour renforcer la stabilité politique et économique dans cette zone de l’Europe, c’est l’intégration européenne, c’est cela qui permettrait à ces pays d’arriver au niveau de développement économique et de stabilité politique.

Mais malheureusement, il y a des partis populistes dans l’Union Européenne qui sont contre , malgré le fait des grands avantages que ces élargissements ont apporté à l’Europe. Je vous donne l’exemple de 2004, quand il y a eu les 10 pays qui sont devenus membres de l’UE, les pays de l’ancienne Union Soviétique, plus la Slovénie de l’ancienne République de Yougoslavie. Quand ces pays sont devenus membres de l’Europe en 2004, on a vu vraiment des bénéfices très forts pour les économies. En Irlande, 140 000 polonais y sont venus travailler et tous avaient un emploi et tous ces polonais ont contribué à l’économie irlandaise d’une manière très positive, et cela a démontré les avantages de la politique d’élargissement.

Mais maintenant on voit des tendances, et une certaine opinion publique dans l’UE est contre l’élargissement, et à mon avis c’est une faute de la part de la communauté européenne de ne pas expliquer mieux aux populations les avantages de l’élargissement d’inclure les pays des Balkans.

Plusieurs États membres ne veulent pas parler d’une manière positive de cela parce qu’ils savent que cela ne les aiderait pas à accumuler des votes parmi la population lors des élections. Malgré le fait que l’on voit selon toutes les statistiques que l’élargissement de l’UE est une de nos politiques les plus importantes, qui nous a permis de démontrer que l’on peut apporter la stabilité dans notre voisinage et exporter un développement économique.

Le défi aujourd’hui en Europe au niveau des États membres, c’est de contrecarrer toutes ces tendances qui vont à l’encontre de cette construction européenne, et à fortiori  qui vont à l’encontre d’une Europe beaucoup plus démocratique, c’est à dire une Europe des Régions, une Europe basée sur les communautés naturelles et les thèses que défendaient Guy Héraud, Yann Fouéré, Alexandre Marc et tant d’autres : « l’Europe aux cent drapeaux ». Ces idées renforcent le message que la force de l’Europe réside dans sa diversité, et c’est ce que nous apprenons à tous les pays qui attendent d’entrer dans l’UE. Une des conditions pour les Etats qui demandent d’entrer, c’est qu’ils doivent respecter les minorités. Maintenant, il y a des négociations qui vont commencer avec la Serbie. La Croatie est devenue le 28ème membre de l’Union le 1er juillet 2013, et le Monténégro a déjà commencé les négociations. Tous ces pays doivent se conformer à des conditions strictes, et une de ces conditions c’est le respect des minorités. Quand je donne des conférences dans les universités en Macédoine ou en Slovénie, toujours les étudiants me disent : d’accord, vous nous imposer ces conditions, mais vous dans vos pays est-ce que vous respecter ça ? Est-ce que vous respectez les langues minoritaires, l’existence de minorités ? Malheureusement la réponse est NON. En France, il n’y a pas de reconnaissance des minorités, même pas formelle. Nous devons comme on dit en anglais « Practice what you preach », faire et agir selon les idées que nous prêchons à l’extérieur. Et c’est pour cela que cette demande, nous devons continuer à la répéter à la France : elle doit ratifier la convention des langues minoritaires, elle doit donner un message à l’Europe qu’elle accepte sur son territoire des langues autres que le français, elles ont le droit tout comme le français d’être parlées, les gens peuvent s’exprimer, tel le Gallois avec le soutien du gouvernement britannique.. et donc le défi est de retourner aux communautés naturelles qui sont la vraie dimension humaine qui peut survivre : c’est la dimension supranationale.

 Yvon Ollivier dans son livre qu’il a publié l’année dernière, « la Désunion française », qui est un livre très intéressant dans lequel il reprend beaucoup d’idées de Yann Fouéré, où il souligne, il démontre que le principe de la petite unité montrera sa supériorité à celui de la grande unité dans tous les domaines, que ce soit les organisations politiques, les structures sociales et économiques, culturelles etc…. Donc ces petites unités qui pourraient survivre parce qu’il y aurait une plus grande liberté et un épanouissement. Mais pour cela, il faut que le gouvernement central puisse permettre cet épanouissement au niveau régional, au niveau local et dans tout cela évidemment, comme le disait Yann Fouéré et Guy Héraud, il y aurait une totale liaison entre la libération ethnique et le fédéralisme intégral. C’est à dire que si vraiment l’Europe doit se conformer aux idées de bases des valeurs démocratiques, elles doivent être sur la base fédérale, sur la base supranationale où les petites unités puissent vraiment s’épanouir et se développer sans contraintes économiques, techniques ou politiques qui existent actuellement.

 Pour la Bretagne, quand on voit tellement de difficultés des années passées pour l’enseignement du breton et quand on pense qu’en Angleterre, depuis des décennies, le Gallois est appris dans les écoles, qu’il y a des télévisions et des radios en gallois, que le gouvernement donne des soutiens pour l’enseignement de la langue…Et même en Espagne, la Catalogne et le Pays Basque parlent et enseignent leur langue. Et la France de nouveau fait bande à part et c’est quelque chose qui devient de plus en plus insoutenable surtout dans le contexte de la crise européenne à laquelle nous faisons face. Ce que nous espérons, c’est que vraiment l’année prochaine, surtout parce qu’il va avoir du changement assez radical au niveau des institutions, il va avoir un nouveau président de la communauté européenne, un nouveau président du conseil européen et un nouveau parlement. Tout cela pourrait donner une chance pour une nouvelle approche à l’intégration européenne et aux structures politiques, ainsi qu’un renforcement des idées de l’Europe des Régions, et justement pour démontrer et ne pas répéter la crise financière et économique qui a affecté tant de gens. Mais est-ce que les chefs d’États, est-ce que les institutions auront suffisamment d’audace pour faire cela. C’est cela la question et c’est à nous avec les moyens modestes que nous avons d’essayer de nourrir ce débat à tous les niveaux. A Bruxelles, nous organisons des réunions dans les différentes institutions pour renforcer cette idée de l’Europe aux cent Drapeaux, de l’Europe des Régions.

Je voulais vous donner ces quelques éléments de base. Je suis sur que beaucoup d’entre vous font face à tous ces problèmes d’une manière très quotidienne parce que vous vivez ici en Bretagne. Mais moi, je les vois à Bruxelles dans un autre contexte.

 Juste une précision au sujet de l’intégration de certains pays.

En 2004, ce fut vraiment historique, une chance à saisir. Après la chute du mur de Berlin et le démantèlement de l’URSS et de la Yougoslavie c’était, non pas une, mais des centaines de pages qui se tournaient à la fois. L’Europe devait vraiment saisir cette occasion de répondre à des défis. C’est grâce à cela, qu’il y a eu ces critères qui ont été établis en 1993 pour l’adhésion de ces pays qui sont sortis de tant de décennies de centralisme et de communisme. Nous avons réussi ce défi, nous avons démontré que moyennant des conditions très rigides auxquels doivent souscrire les États adhérents, nous pouvons arriver à une situation où ces états atteignent un niveau économique qui leur permette de jouir des bénéfices de l’intégration européenne, de contribuer au développement économique et d’adopter les valeurs démocratiques sur lesquelles l’Europe est basée.

Après 2004, il y a 2 pays qui sont entrés en 2007 : la Roumanie et la Bulgarie. Et beaucoup de pays pensent que c’était trop tôt, trop vite et que ces pays n’avaient pas encore atteint ce niveau de développement démocratique et d’ailleurs. Il s’est trouvé qu’après l’adhésion de la Bulgarie notamment, il y a eu tout un pourcentage d’aides qui a été retiré parce qu’elle n’avait pas respecté les conditions concernant l’indépendance judiciaire etc…..

 Là, je suis d’accord et c’est pour cela que maintenant, la politique d’élargissement et les conditions sont devenues beaucoup plus rigides et pour les pays adhérents, plus difficile, mais pour de bonnes raisons.

Pour la Roumanie et la Bulgarie, ça a causé beaucoup de problèmes. Les pays qui sont actuellement dans la queue de l’adhésion dans les Balkans sont : le Monténégro, la Serbie, la Macédoine, l’Albanie et le Kosovo, sans oublié évidemment la Turquie, mais c’est encore un autre débat.

Tous les débats actuels sont sur la question des Roms, avec des controverses, et ça aussi ça renforce le message que nous ne devons pas tous leur accorder l’entrée. Mais que nous devons nous assurer que toutes les conditions sont respectées, et qu’en ce qui concerne les minorités telles que les Roms ou autres, le respect est réel. En Macédoine par exemple, 2% de la population est Rom. Le travail à faire en premier est l’accès à l’éducation de ces populations, système dont ils sont exclus actuellement. C’est un grand défi pour les communautés de l’UE, mais pour moi, arrêter l’élargissement maintenant, au moment ou les pays des Balkans essaient d’arriver au niveau économique et de stabilité politique, leur permettant d’entrer, je crois que s’ils voient qu’il y a un arrêt à l’élargissement, ça pourrait nourrir des nationalismes et un jour nous pourrions avoir une crise comme en Bosnie en 1995.

On doit conserver ce but : entrer dans l’UE, ça pourrait étendre les frontières de stabilité et les droits humains de ces pays. Leur population ne représente qu’un faible pourcentage : Macédoine : 2 millions, Serbie : 9 millions, Kosovo : 2 millions. C’est très peu finalement.

La Serbie a une économie très forte et une fois atteint les conditions : droits humains, indépendance judiciaire, lutte contre la corruption… ils pourront contribuer à l’économie de l’Union Européenne.

 

 

 

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