Biographie

En guise d’Introduction, un texte de Jean Cevaer, et un de Yann Duchet:-

 

Yann Fouéré (1910-2011). Une vie bien remplie au service de la Bretagne

Yann Fouéré qui vient de nous quitter centenaire aura marqué le XXème siècle en Bretagne et en Europe par son incessant combat pour la légitime autonomie de sa patrie bretonne, pour la défense de sa langue et de sa culture et pour l’avènement d’une Europe des peuples sur une base fédérale.

Bien que né loin du Bro Gozh du fait des contraintes professionnelles de son père, il n’en sera jamais intellectuellement et sentimentalement séparé et il nourrira toute sa vie un attachement profond pour la terre de ses ancêtres.

Etudiant à Paris, il sera président de l’association des étudiants bretons et fondateur, avec Robert Audic, de l’association pour la promotion de la langue bretonne « Ar Brezhoneg er Skol ». En 1939 il sera élu vice-président de l’Union Régionaliste Bretonne et le restera jusqu’en 1945.

Actif au sein de l’Union fédérale des anciens combattants, il en deviendra le commissaire aux Jeunes. Les nombreux voyages qu’il effectuera à ce titre le rapprocheront des diverses minorités européennes et il assumera la direction de la revue « Peuples et frontières ». Cette solidarité avec les peuples en lutte pour leur identité l’amènera, au début de la dernière guerre, à tirer parti de ses fonctions au ministère de l’intérieur pour aider les Basques fuyant la dictature franquiste, dont le président du Gouvernement autonome d’Euskadi, Jose Antonio Aguirre. Il deviendra d’ailleurs permanent au sein de la Ligue des amis des Basques.

Nommé brièvement sous-préfet de Morlaix en octobre 1940, il quittera en 1941 le ministère de l’intérieur où ses convictions bretonnes étaient mal perçues par le pouvoir vichyste.

Il se consacrera à la presse bretonne, en fondant un journal vraiment breton, ce sera « La Bretagne » qui s’associera par la suite à « La Dépêche ».

A la Libération, ces activités lui vaudront d’être poursuivi par les autorités du moment et condamné à une très lourde peine dont il s’affranchira en s’exilant en Cambrie (Pays de Galles) puis en Irlande, quittant la France grâce à l’aide de ses amis basques. Après la loi d’amnistie de 1953, il est rejugé à sa demande en 1955 par un tribunal militaire et acquitté.

Les années qui suivront le verront se consacrer à l’action bretonne et défendre ses idées dans 15 ouvrages, dont certains marquèrent l’époque, comme « L’Europe aux cent drapeaux » et dans des centaines d’articles, en particulier dans la publication qu’il fonda, « L’avenir de la Bretagne ».

En 1957, à Lorient, il fut l’un des fondateurs du MOB (Mouvement pour l’organisation de la Bretagne) avec Yann Poupinot, Pierre Laurent, Yvonig Gicquel, Jean Kergren, Pierre Le Moine, premier mouvement politique breton de l’après-guerre lancé avec les conseils du fondateur du CELIB (Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons) Joseph Martray.

Quand le MOB s’étiolera aprés la scission en janvier 1964 de l’Union démocratique bretonne, Yann Fouéré lancera le SAV (Strollad Ar Vro) en 1969, qui disparaîtra dans les cabales et remous causés par les attentats du FLB-ARB dont Yann Fouéré subira les contrecoups en étant emprisonné d’octobre 1975 à février 1976.

Après l’amnistie de 1981, Yann Fouéré participera à Bruxelles à la création de l’Alliance Libre Européenne avec les représentants de divers partis régionalistes européens puis, en 1982, lancera le POBL (Parti Pour l’Organisation d’une Bretagne Libre), qui avait une vocation de parti fédéraliste breton et européen. Le POBL connaîtra un certain succès dans les milieux d’action bretonne jusqu’au début des années 90 du siècle dernier, avant de décliner dans la dernière décennie du siècle et de se mettre en sommeil. Yann Fouéré désormais très âgé utilisera alors ses dernières forces pour sauvegarder ses archives personnelles et celles des mouvements et publications qu’il contribua à créer et animer.

Sa mort le 21 octobre dernier marque la fin d’une époque qui vit le combat pour l’identité bretonne acquérir la visibilité auprès du grand public à défaut d’une adhésion massive. Pour atteindre ce résultat, il fallut que des militants de toutes origines se dévouent, s’exposent et se battent, au prix souvent d’énormes sacrifices, pour que la Bretagne continue d’exister, conserve tout son territoire et obtienne sa liberté d’action économique et culturelle dans la reconnaissance de son histoire, de sa langue et de sa culture.

Puissent leurs successeurs suivre leur exemple pour édifier désormais la Bretagne de l’avenir par l’engagement ferme et tenace des jeunes générations dont il faut espérer qu’elles mettent notamment à profit les nouveaux réseaux et moyens de communication pour que le rêve breton devienne réalité.

Jean Cévaër

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 Décédé le 20 novembre 2011, dans ses 101 ans, le vieux lion est désormais et à jamais au Paradis des Celtes avec les héros de la Bretagne et de l’Europe. Que son monde soit Pur!

  Nous avions eu l’occasion de célébrer avec émotion et respect son centième anniversaire à Quintin, en juillet 2010, où j’ai pu voir pour la dernière fois, ce combattant et mon « maître », entre les drapeaux de Bretagne et d’Europe qu’il aimait tant…et que j’aime tant!

  Comme l’écrivit Rhisiart Tal-e-bot, Secrétaire Général de la Ligue Celtique: « Face à la vision de Yann Fouéré correspondant aux aspirations du XXIe siècle, l’Etat français a, quant à lui, maintenu tout au long de sa longue vie une vision digne XIXe siècle s’agissant des droits humains, politiques et linguistiques du peuple breton. » (l’Avenir de la Bretagne – Dazont Breizh , N° 498)

  Yann Fouéré écrivait encore voici quelques années, juillet 2005: « Il ne faut jamais oublier, que nous sommes et serons toujours les ennemis du pouvoir et celui-là ne change jamais qu’en apparence. Il n’est ni de droite ni de gauche, ni même du centre. Les jacobins de toutes couleurs restent l’ennemi à abattre! »

  En réalité, au-delà des contingences liées aux lieux et aux temps, les idéaux et les actes de Yann Fouéré n’ont jamais changé. Il resta toujours patriote, et même nationaliste, au plus profond de son esprit et de son coeur , malgré une patience et un calme qui demeurent la recherche de l’ efficacité face aux réalités politiques du moment ou aux projets que l’on doit ébaucher à plus ou moins long terme. Par conséquent, l’évolution apparente de son attitude et de son action, au fil du temps, n’est, en dernière analyse, que la façon la plus efficace d’atteindre le but par lui fixé et qui demeure imprescriptible: la souveraineté de la Bretagne dans une Europe fédérée. L’opposition et l’hostilité aveugle de la République française obtuse, répétée et insolente, face au droit des peuples et à toute réforme juste et intelligente, où il n’y a qu’elle en Europe occidentale dans ce refus brutal, ont amené Yann Fouéré à une lutte parfois plus radicale. Ce n’était là que réponse obligée de l’Emsav au dinosaure jacobin, ce qui était important. Le reste n’étant que…littérature.

  Amour de la Patrie bretonne et Fédéralisme européen furent toujours, pour Yann Fouéré, une assise aussi essentielle et vitale pour lui que respirer. Ce qui importe en l’occurrence, étant de survivre et de guérir de cette maladie totalitaire et impérialiste qu’est le jacobinisme. Voici et c’est tout!

  Une personnalité donc et un destin qui lui devrait, en vérité, le nom de personnage supérieur à la médiocrité ambiante.

 Depuis la création du P.O.B.L. et au cours de longues années, j’ai eu l’occasion de rencontrer Yann Fouéré comme « camarade de combat ». Bien qu’il ne soit pas né de la dernière pluie, quelle fraîcheur de conviction, quelle volonté inébranlable, inaltérable et incontournable en toute circonstance et qui faisait des jeunes gens que nous étions alors ses admirateurs. Le vieux lion gardait toujours en lui cette raison mesurée, cet esprit vif, cette expérience, ce sens inné de l’objectif à atteindre et des modalités pour y parvenir, sans vaine passion extérieure qui souvent atteint les lutteurs. Au contraire, parfaitement au fait et sans illusion des attitudes, attentes et capacités de chacun, comme des obstacles à franchir, sans illusion aucune mais parfaitement empli d’un espoir indéfectible, plein de clairvoyance et de détermination. Voici l’homme avec qui j’eus l’honneur et l’opportunité de travailler. quelle chance pour moi! Honneur et merci à lui!

  En dépit de petits personnages, de bons esprits progressistes et surtout de langues fourchues, Yann Fouéré reste et restera, dans sa vie comme dans son combat, un Breton plein et entier, à la personnalité si riche et si haute qu’il eut pu devenir un réel homme d’état, qui en avait l’étoffe et possédait l’envergure d’une carrière nationale et internationale et eut dû pouvoir, par conséquent, défendre et promouvoir les intérêts majeurs de la Bretagne dans une Europe en reconstruction si…si la France jacobine avait été un Etat démocratique comme les autres pays occidentaux, ce qu’elle n’est pas! Quoi qu’il en soit, les leçons de Yann Fouéré, tournées vers l’avenir de la Bretagne et de l’Europe, demeurent plus que jamais d’actualité pour la jeune génération naissante.

  Comme je le lui écrivais peu de temps avant sa mort: « Soyez assuré d’une chose, malgré tous les désenchantements et toutes les adversités par vous subies, les futures générations de patriotes bretons et de fédéralistes européens, quel que soit leur uniforme du moment, ne vous oublieront pas et surtout n’ignoreront pas votre message et votre exemple…Vous avez été, depuis 1930, de tous les combats de Bretagne en Europe…Soyez certain que votre leçon portera ses fruits…à son heure.

 

                                                                                             Yann Duchet

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Dans l’histoire du mouvement breton, Yann Fouéré est certainement une des personnalités les plus marquantes et celui dont l’action et la réflexion marqueront le plus fortement et le plus durablement les esprits. De l’entre-deux-guerres au XXIe siècle, il a toujours été en première ligne dans le combat pour une Bretagne majeure.

LES ANNEES DE FORMATION

Le hasard des nominations dans la fonction publique fait que Yann – Jean pour l’état-civil – Fouéré naît le 26 juillet 1910 à Aignan en Gascogne. Second enfant de la famille, Jean, son père avait du quitter l’exploitation agricole familiale pour entreprendre des études à Dinan (Côtes d’Armor). Devenu fonctionnaire de l’administration fiscale, Jean Fouéré effectue l’essentiel de sa carrière hors de Bretagne. Origines paysannes en pays gallo, dans la région de Dinan, du côté paternel, origines trégorroises et nettement plus avantagées socialement du côté maternel, Yann Fouéré aime se souvenir de ce double enracinement dans cette vieille terre d’Armorique.
Revenu très vite au pays breton, Yann Fouéré partage ses jeunes années entre Rennes, assez peu, Callac, beaucoup plus, auprès d’une arrière grand-mère née en 1838. Le militant dit que c’est « Callac sans doute qui, plus tard, rendit possible et irrésistible l’appel » du pays (1).

(1) La patrie interdite, Ed. France Empire, 1987 ; réédition Celtics Chadenn, 2001

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1922 Première Communion de Yann Fouéré à Saint Charles.

Confié à sa grand-mère maternelle partie s’installer à Saint-Brieuc, le jeune Fouéré commence ses études secondaires dans la cité briochine. Mais très vite, il rejoint ses parents à Paris : son père est employé au Ministère des Travaux Publics sous l’autorité du Guingampais Yves Le Troquer. Yann suit sa scolarité au Lycée Montaigne puis à Louis le Grand mais passe son baccalauréat en 1927 à Clermont dans l’Oise, suivant une nouvelle fois son père fonctionnaire.

papa-3.jpg 1929 Yann Fouéré avec le groupe des Korollerien Breiz-Izel,  a droite derrière. Son père, Jean Fouéré, troisième a gauche derrière.

Dand les années qui suivent l’obtention de son baccalauréat, le jeune Fouéré se découvre une fibre bretonne : il s’abonne à Breiz Atao, revue du mouvement nationaliste breton, se plonge dans l’histoire de Bretagne, et ausii dans les textes de P.J.Proudhon, dont la pensée l’inspire. De retour à Paris pour suivre les cours de la Faculté de Droit et de l’Ecole des Sciences Politiques, Yann Fouéré côtoie très vite les militants bretons de la capitale. Il est ainsi élu président de l’Association des étudiants bretons de Paris (1933-37). Diplômé en droit, en lettres et en sciences politiques, il peut alors passer le concours de rédacteur au Ministère de l’Intérieure qu’il rejoint en 1934…papa-4.jpg

1934 Yann Fouéré au Ministère de L’Interieure

Agé de 24 ans, désormais autonome, Yann Fouéré crée, avec Robert Audic, l’association Ar Brezhoneg er skol (ABES, le breton à l’école) revendiquant l’enseignement du breton dans les écoles publiques de Basse-Bretagne. 346 communes basses-bretonnes – la majorité – et trois conseils généraux sur cinq apportent leur soutien à l’initiative d’ABES.
Reconnu pour son heureuse initiative, Yann Fouéré se retrouve « bombardé », pour reprendre ses propres termes, vice-président de l’Union régionaliste bretonne (1939-45). Il prend part aux activités des jeunes de l’Union Fédérale (UF), la plus puissante des organisations d’anciens combattants, classée au centre-gauche. Commissaire aux jeunes de l’UF, Yann Fouéré participe à de nombreuses manifestations internationales – Président de la Commission Internaionale de New York à Bucarest, qui l’ouvrent certainement au problème des minorités nationales. Il devient, peu de temps après, directeur et principal contributeur de « Peuples et frontières », revue des différents partis autonomistes.
Confronté à la montée des périls en Europe, Yann Fouéré adopte une attitude, qu’il ne quittera plus, de refus des idéologies « de droite comme de gauche, dont les applications concrètes aboutissent toujours aux mêmes résultats pour les peuples et sans progrès pour eux » .

C’est à la fin de 1936 que Yann Fouéré rencontre sa future femme, Marie-Madeleine Mauger, une jeune trégorroise qui avait dû, comme nombre de ses compatriotes, rejoindre Paris pour trouver un emploi. Lors de leur mariage au début de la seconde guerre mondiale, Marie-Madeleine est secrétaire à la mairie du 6e arrondissement.

Au Ministère de l’Intérieur, une belle carrière s’ouvre devant le jeune militant breton. Il doit alors se partager entre ses multiples activités, celle d’Ar Brezhoneg er skol devenant prépondérante. Membre du Comité de Minorités Nationales, il prend la rédaction de « Peuples et frontières » , qui l’amène à penser qu’il lui faut créer un puissant organe de presse régionaliste qui, sans heurter une population bretonne fidèle au pouvoir en place, l’amènerait à revendiquer une restauration de la province de Bretagne. Hélas, la guerre vient contrecarrer tous ces projets.

1940 -’45: FRENCH DIFFICULTIES, BRETON OPPORTUNITIES.

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1932 Yann Fouéré au Service Militaire a Compiègne, de profil au centre.

Réformé quelques années avant le conflit, Yann Fouéré n’est pas mobilisable et profite alors de sa présence au Ministère de l’Intérieur pour aider à l’exil des nationalistes basques pourchassés par les troupes franquistes, alors victorieuses au sud des Pyrénées. Le militant devient ainsi le permanent de la Ligue des Amis des Basques, cherchant à faciliter la vie des exilés sur le sol français. Il permet surtout au président basque en exil, Aguirre, de pouvoir circuler librement.

(1) La patrie interdite, Ed. France Empire, 1987 ; réédition Celtics Chadenn, 2001.

Lors de la débâcle, consécutive à l’invasion allemande en mai-juin 1940, le fonctionnaire Fouéré doit alors suivre le gouvernement. Après Royan, les jeunes époux atteignent Pau. Totalement désoeuvré au sein d’un ministère fantôme, Yann Fouéré apprend le retour d’Allemagne des leaders séparatistes Mordrel et Debauvais. Ayant regagné Rennes, ils entendent profiter des difficultés françaises pour arriver à leurs fins.

C’est vers la mi-août que Yann Fouéré, bénéficiant d’un congé maladie et n’en pouvant plus, quitte Pau pour rejoindre la Bretagne. Avec son épouse, il décide de s’installer à Rennes où il retrouve la plupart des personnalités de l’Emsav : Olier Mordrel, Xavier de Langlais, Roparz Hemon,… En Bretagne, en ce printemps 1940, l’action politique est très vive mais, très vite, les autorités allemandes constatent, à la fois, la facilité de l’occupation du sol français et le – finalement – faible écho des nationalistes dans l’opinion publique. Plus besoin de favoriser les séparatistes bretons et de brimer la France… Les Allemands ne font plus que tolérer les activités bretonnes.
Yann Fouéré entreprend un voyage de reconnaissance : dans le Trégor, où il retrouve ses parents, puis à Brest. Il réfléchit alors à la mise en place d’un mouvement d’inspiration régionale qui, profitant d’une conjoncture inédite, pousserait la France dans la voie du fédéralisme, ou à défaut d’un régionalisme nouveau.
Sa situation de fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur en congé intéresse alors le préfet du Finistère, M. Georges, qui lui propose d’assumer la fonction de sous-préfet de Morlaix. Plutôt que d’être contraint de rejoindre un poste à Vichy, le militant breton accepte de s’installer, dans les premiers jours d’octobre 1940, à Morlaix. C’est à cette période que René-Yves Creston, affilié au réseau de Résistance du musée de l’Homme, aurait reçu de Yann Fouéré un mémoire pour un projet de décentralisation de la Bretagne destiné aux Forces Libres de de Gaulle à Londres. En parallèle, il multiplie les contacts afin de créer un organe de presse susceptible de porter un courant « provincialiste », dans la ligne droite des projets de renaissance des provinces promis par Pétain. La marge de manoeuvre est étroite car, ni Vichy, ni les autorités allemandes ne toléreront un projet clairement « anti- français ». L’entrevue de Montoire entre Hitler et Pétain, en octobre 1940, a confirmé le changement de politique des Allemands pour la Bretagne.
A l’automne 1940, Yann Fouéré prend contact avec Hervé Budes de Guébriant, président de l’Office central des syndicats agricoles, partisan déclaré du nouvel ordre de Vichy et l’industriel quimpérois Jacques Guillemot. Ancien membre de l’Action Française, Jacques Guillemot approuve l’idée de Révolution Nationale du Maréchal Pétain. Il est partisan d’une autonomie provinciale comme elle avait pu exister dans l’Ancien Régime. De Guébriant assure à Yann Fouéré d’accomplir les démarches nécessaires à Vichy pour autoriser la publication du futur quotidien La Bretagne. Et surtout, les deux hommes entrent dans le capital du futur quotidien (1). D’ailleurs, le 22 janvier 1941, Hervé Budes de Guébriant est nommé, par Vichy, président de la Commission nationale d’organisation de la coopération agricole.

Mais déjà le séjour finistérien du sous-préfet intérimaire prend fin : Yann Fouéré rejoint le Ministère de l’Intérieur à Paris à la fin de novembre. C’est à ce moment que Raymond Delaporte (2) lui demande de devenir membre du Kuzul Meur, grand conseil secret, modifié dans sa composition afin de coordonner les actions des différents militants bretons. « placardisé » à Paris, le militant breton fait une demande de mise en disponibilité que ses supérieurs se gardent bien de lui accorder. C’est à ce moment qu’intervient la rupture : Yann Fouéré va vouer sa vie à la cause bretonne.

(1) Georges Cadiou établit une liste des actionnaires ou autres soutiens de La Bretagne : Bahon-Rault de la Chambre de commerce de Rennes, Château, maire de Rennes, Roger Crand, sénateur du Morbihan, Montfort, député-maire de Scaër, Chrétien, maire de Saint-Brieuc, Kergariou, sénateur-maire de Lannion,… cf. bibliographie
(2) Raymond Delaporte, figure modérée du PNB, est propulsé en 1940 chef du parti en remplacement d’Olier Mordrel et Fanch Debauvais.

sc000658482.jpg 1942 Marie Madeleine et Yann Fouéré

Il quitte Paris en février 1941 et rejoint son épouse à Rennes. Le journal La Bretagne prend vie dans des bureaux situés près de la Cathédrale. Auparavant, l’ex-sous-préfet a pris contact avec les dirigeants de l’Ouest-Eclair afin de s’entendre plutôt que de se livrer une concurrence jugée néfaste. Yann Fouéré aurait préféré que l’Ouest-Eclair « bretonnise » sa politique rédactionnelle. Un accord est trouvé : La Bretagne sera imprimée par l’Ouest-Eclair, quotidien du matin, mais à la condition d’être un quotidien du soir et que la nouvelle équipe prenne en charge la rédaction des trois hebdomadaires locaux de l’Ouest-Eclair. Le jeudi 20 mars, le premier numéro de La Bretagne sort des presses. Les premiers tracts publicitaires font référence à un « quotidien d’information et de défense des intérêts bretons » et à une « province de Bretagne prospère et heureuse dans une France rénovée ». Yann Fouéré a compris qu’il ne pourrait pas s’opposer frontalement à Vichy : il se fait donc « provincialiste » voire « maréchaliste ». Le directeur du journal joue ainsi avec l’épouvantail séparatiste : « le nationalisme breton est né de l’échec du mouvement breton modéré. Un seul remède : satisfaire les légitimes revendications bretonnes ». Mais, il s’avère que ce petit jeu n’est qu’une simple tactique décidée entre modérés et radicaux de l’Emsav. Hervé Le Boterf n’y voit en tous cas qu’une « mise en scène, prévue d’un commun accord entre Raymond Delaporte et Yann Fouéré pour laisser croire à une pseudo-divergence de tendances qui, en réalité, n’existait pas, entre ces deux partisans résolus d’une réforme de l’administration en Bretagne ».

Après le court passage de Gérald de Baecker, parti rejoindre la Légion des Volontaires Français à Paris, André Rouault assure la rédaction en chef du nouveau quotidien. Cet ancien des Croix de Feu du Colonel de la Roque va vite entrer en conflit avec son directeur. Parmi les contributeurs de La Bretagne, on note les noms de Ronan de Fréminville (alias Jean Merrien), Xavier de Langlais surtout, chargé de l’illustration et d’une rubrique en breton avant de prendre en charge la plupart des chroniques artistiques et culturelles. Yann Fouéré reconnaît que l’équipe de rédaction est un peu disparate. On trouve aussi le frère de Jacques Guillemot, André, et Yves Le Diberder (alias Youenn Didro) qui contribue, aux dires de Yann Fouéré, à faire de La Bretagne un journal « vigoureux et critique à l’égard du pouvoir central et des administrations de Vichy ».
Les conférences de rédaction que préside Yann Fouéré sont d’abord quotidiennes, à Rennes, avant de devenir hebdomadaires lorsque le journal sera imprimé à Morlaix. En effet, à partir d’avril 1942, la rédaction du quotidien breton se confond avec celle de La Dépêche, ancêtre du Télégramme de Brest actuel. A l’automne 1941, la situation économique de La Bretagne devient difficile et le capital de base se réduit comme peau de chagrin. La subvention promise aux périodiques se fait attendre pour le quotidien breton… On s’apprête alors à transformer le quotidien du soir en hebdomadaire. Mais en février 1942, suite aux manoeuvres du préfet Ripert pour obtenir des autorités de la Propagandastaffel la suppression du quotidien La Dépêche, les actions de la société éditrice du quotidien sont confisquées. Elles appartiennent en majorité à Victor Le Gorgeu, sénateur-maire de Brest, ayant refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain, et vite révoqué par Vichy. Son quotidien avait dû, comme bien d’autres, satisfaire les exigences de l’occupant : il imprime, en 1940, des publications en allemand au titre évocateur – Gegen England par exemple – et salue la puissance de la « Nouvelle Europe ». Devant la faillite probable de l’entreprise de Morlaix, son directeur général, Marcel Coudurier, accepte l’entrée dans le capital de son journal, à hauteur de 20 %, des financeurs de La Bretagne, Jacques Guillemot, Yann et Jean Fouéré ainsi que Yves de Cambourg, à un prix bien au-dessus de ceux du marché aux dires de Yann Fouéré. On évite ainsi le licenciement des 120 employés du quotidien de Morlaix – et leur envoi en Allemagne au titre du STO. Dans les premiers jours d’avril 1942, La Bretagne quitte donc l’imprimerie rennaise de l’Ouest-Eclair pour rejoindre celle de La Dépêche à Morlaix. La mutualisation des moyens, l’utilisation de copies communes aux deux quotidiens permet de réduire les dépenses et d’équilibrer les budgets. Yann Fouéré devient directeur politique du quotidien finistérien alors que Marcel Coudurier conserve la direction des finances. A l’automne 1943, les deux dirigeants se séparent d’André Rouault, rédacteur en chef, jugé responsable d’une dégradation de l’ambiance de travail. Joseph Martray, déjà rédacteur de quelques articles, le remplace à ce poste. (Voir son livre ‘L’Histoire du Quotidien ‘La Bretagne’, et les silences d’Henri Fréville).

S’appuyant sur une audience jamais connue pour le mouvement régionaliste (les deux quotidiens sont diffusés à près de 100 000 exemplaires), Yann Fouéré entend faire émerger un large mouvement favorable à une réforme régionale dans le cadre du régime de Vichy. Le militant suscite d’abord des comités locaux des « Amis de La Bretagne », premiers cercles de diffusion de ses idées. Ces comités défendront un nouveau Projet de Statut pour la Bretagne. Ce projet prévoit l’unité administrative de la Bretagne, « la mise en place d’une assemblée régionale composée d’élus municipaux, de représentants des forces économiques, professionnelles et spirituelles de la Bretagne », ainsi que l’enseignement du breton et de l’histoire de Bretagne dans les écoles. Le préfet régional Ripert, à Rennes, ne l’entend pas ainsi et, au nom de l’unité de l’Etat français, cherche à empêcher cette politique régionaliste. Yann Fouéré reconnaît avoir fait opérer ses relations afin de faire déplacer l’entreprenant préfet.

Jean Quénette, alors député de Lorraine, prend sa suite en mai 1942 et La Bretagne obtient de surcroît une subvention de Vichy pour son rôle modérateur dans les milieux bretons. Pierre Laval, revenu aux affaires, veut donner l’avantage aux régionalistes face aux menées séparatistes du PNB.
sc0004152e.jpgPhoto officielle du Comité Consultatif de Bretagne réuni au château de Josselin en Juiller 1943. De gauche à droite: Francis Even, Pierre Mocaer, abbé J.M.Perrot, Cornon (architecte des monuments historiques), Taldir, le sénateur Roger Grand, le préfet Marage, R. de L’Estourbeillon, Jean Quenette, préfet régional (au centre), A. Dezarrois (caché derrière le préfet), Mme la duchesse de Rohan, le recteur Souriau, Prosper Jardin, Yann Fouéré, James Bouillé, professeur Guéguen, Mme Galbrun, Léon Le Berre, René Daniel, le duc de Rohan, Joseph Martray tournant le visage, Florian Le Roy.

Vichy autorise la création d’un organe de réflexion, le Comité Consultatif de Bretagne (CCB), dont Yann Fouéré est le secrétaire général auprès du préfet de région (1942-44). La première réunion du CCB a lieu à Landerneau dès le début du mois de juillet 1942 avec l’appui de Hervé Budes de Guébriant. Le mois suivant, Jean Quénette, le préfet régional, reçoit des personnalités bretonnes à Rennes afin « d’examiner les aspirations de la Bretagne et les moyens de les satisfaire ». Le préfet prend alors la décision d’introduire une épreuve facultative de langue bretonne dans les concours administratifs de la région, de créer un Institut de formation des instituteurs bretonnants, installé près de Ploërmel. On retrouve un certain nombre de nationalistes bretons dans le Comité, créé le 11 octobre 1942 par le préfet de région. Comme son nom le laisse entendre, le CCB n’a pas de pouvoir de décision et d’exécution même si ses 22 membres ne désespèrent pas de le transformer, à terme, en véritable assemblée délibérant sur les questions régionales. Il reconnaît se borner à « étudier, donner son avis, présenter ses suggestions sur les questions culturelles, linguistiques, folkloriques…». Le CCB est la première assemblée représentant la Bretagne dans son ensemble depuis la suppression des États de Bretagne en 1790. Elle défends ouvertement et efficacement les droits culturels et les intérêts materiels de la population Bretonne, dans un ésprit de stricte neutralité et dans le respect de toutes les tendances. Yann Fouéré, qui anime ce Conseil, doit batailler contre les différentes administrations centrales, rétives à toute émancipation locale. En janvier 1943, le Conseil présente un Projet de Statut pour la Bretagne au gouvernement de Vichy. Ce projet réclame, entre autres, la prise en compte d’une Bretagne à cinq départements. Il n’y eut jamais de réponse des autorités vichystes et le préfet Quénette fut bientôt prié d’aller opérer ailleurs.

Avec le débarquement allié, Yann Fouéré, qui partage ses jours entre le domicile familial rennais et la direction des journaux à Morlaix, décide de faire évacuer sa petite famille à Pacé. Son épouse, les deux enfants Rozenn et Jean, s’installent dans la salle des fêtes de l’école.

Lors de la Libération de la Bretagne, le Conseil Consultatif de Bretagne tient à assurer les nouvelles autorités de sa disponibilités dans la remise en place de l’appareil administratif. Hélas, le nouveau Commissaire régional n’est autre que Victor Le Gorgeu. La diffusion des deux quotidiens est suspendue fin juin du fait de la désorganisation générale et de l’absence de système de distribution. Le PNB s’effondre. L’horizon semble s’assombrir pour les militants bretons…

LE PROCÉS DE LA BRETAGNE

Au début du mois d’août, Victor Le Gorgeu, devenu Commissaire régional de la Libération, fait arrêter Yann Fouéré. Assurément, il tient sa revanche sur celui qu’il pense être responsable de la perte de son propre quotidien. Le 10 août 1944, le nouvel « interné politique » est conduit dans les locaux de la police rennaise, rue d’Antrain, puis à la prison Jacques-Cartier. Il n’est libéré qu’un an plus tard, jour pour jour, à Châteaulin.

A la fin du mois de septembre 1944, les prisonniers politiques de Jacques Cartier sont dirigés sur le camp Margueritte, à proximité immédiate de la prison. On y rassemblé tous les détenus administratifs d’Ille-et-Vilaine et diverses personnalités suspectées de faits de collaboration. Ainsi, Yann Fouéré y retrouve Jacques Guillemot et de Guébriant ainsi que l’ex-préfet régional Robert Martin. Beaucoup de militants bretons les rejoignent après l’été 1944. L’ancien directeur des quotidiens régionalistes passe l’hiver entier avec eux, mais, en mars 1945, il est envoyé à Quimper. Dans la capitale de Cornouaille, Yann Fouéré retrouve « l’état-major à peu près complet du PNB du Finistère » : Delaporte, Herri Caouissin, Marc Le Berre, Yann Ar Beg,… et même un certain Edouard Leclerc de Landerneau. Peu de temps avant le début du procès, il se trouve au camp d’internement de Pont-de-Buis près de Chateaulin. En juillet, il demande et obtient une mise en liberté provisoire.

Jean- Jacques Monnier, membre de l’UDB et directeur du mensuel Le Peuple breton, s’est interrogé sur les raisons véritables de la mise à l’écart du directeur de La Bretagne en 1945. Point de collaboration tant l’action de Yann Fouéré correspond à celles de ses confrères ! Il préfère y voir l’élimination « d’un concurrent potentiel pour le MRP » et « d’un homme politique gênant pour les partis et la presse hexagonale en Bretagne ». Yann Fouéré évoque dans L’histoire du quotidien La Bretagne une « alliance et des complicités contre-nature entre les milieux d’extrême-gauche et principalement communistes (…) d’une part, et ceux du MRP, d’autre part, dont les responsables assumèrent la charge de l’épuration légale ». Ainsi, Henri Fréville, chargé de l’épuration dans la presse bretonne lors de la Libération et futur maire de Rennes, lui aurait reproché d’avoir introduit à La Dépêche de Brest un « inadmissible régionalisme politique » et de promouvoir un « autonomisme prononcé ».

Il ne nous appartient pas de reprendre ici le travail que la justice a mené en 1945-46 d’abord, en 1955 ensuite. Seule une longue étude universitaire, débarrassée des partis-pris habituels, sur l’activité de Yann Fouéré sous l’occupation et du journal La Bretagne, permettrait d’y voir plus clair. Les travaux entrepris jusqu’ici sur ce point ont été le fait d’acteurs ou témoins directs des faits : ceux de Yann Fouéré et Yves Le Diberder (alias Youenn Didro) pour la défense, Henri Fréville pour la Partie civile. Difficulté supplémentaire : sur cette période comme d’autres, les chercheurs commettent trop souvent l’erreur de juger l’affaire en la sortant du contexte particulier de l’époque, celui de la collaboration mais aussi de l’épuration.

Yann Fouéré affirme avoir suivi la voie de l’indépendance politique et d’intransigeante neutralité face à Vichy et aux autorités allemandes. Il reconnaît que la critique était impossible et ceci pour toutes les publications. Mais, en se concentrant sur des seuls sujets bretons, il pense avoir évité l’inféodation au pouvoir en place. Il s’agit alors de jouer avec la censure tant vichyste que allemande. Il a repoussé en pages secondaires les avis ou textes imposés par les autorités et il a même, un temps, seul, pu publier les communiqués de guerre des Alliés, avant l’interdiction formelle par les Allemands.

Il est sans doute utile de reprendre les travaux des universitaires reconnus pour leur honnêteté intellectuelle. Et il importe d’abord de s’intéresser aux conditions de l’épuration, moment de l’histoire où est définie la Collaboration. Olivier Wieviorka, professeur à l’ENS de Cachan ( L’histoire, hs n°28, juillet 2005), revient sur cette épuration. « Trop sévère pour les uns, trop tendre pour les autres, son souvenir nourrit, aujourd’hui encore, polémiques et controverses. (…) La virulence de ce débat ne doit cependant pas occulter un fait singulier : quel que soit le constat qu’ils dressent, acteurs et témoins s’accordent en général pour assimiler l’épuration, légale ou illégale, à un échec (…) Des recherches récentes invitent en effet à dépasser une lecture parfois manichéenne, toujours idéologique, pour emprunter des pistes plus fécondes. Elles incitent surtout à traiter cette époque douloureuse sous des perspectives qui, en s’émancipant de la vision politique prévalant jusqu’alors, restaurent le phénomène dans toute sa complexité. Une complexité qui tient à la multiplicité des buts que la Résistance s’assigne dès l’Occupation ». Cette idée d’une Résistance animée d’arrières pensées idéologiques et bien engoncée dans une foi en la France Une et Indivisible se retrouve bien exprimée dans l’Ordonnance du 26 août 1944 relative à l’indignité nationale. Pour l’historien Peter Novick, elle touche « tout Français qui, sans même violer une loi pénale existante, s’était rendu coupable d’une activité définie comme anti-nationale ». Et pour Olivier Wieviorka, cette législation ne réprime pas un délit mais punit un état en privant l’individu de ses droits civiques et de ses biens.

L’Histoire de Bretagne de Skol Vreizh attribue à Yann Fouéré une « carte régionaliste sur la table du provincialisme de la France du Maréchal » et laisse entendre qu’il agit par tactique. Michel Denis affirme la même idée : « Tout en étant personnellement aussi nationaliste et aussi sévère pour l’Etat français que les séparatistes, il a la grande habileté d’adopter une tonalité susceptible de « ratisser large» chez les notables provincialistes ». Jacqueline Sainclivier voit dans l’action régionaliste un même opportunisme : Yann Fouéré « était un régionaliste convaincu et un corporatiste qui souhaitait que le nouveau régime réalisât une véritable politique de décentralisation ». Le journaliste Georges Cadiou dénonce dans le journal La Bretagne des titres ou textes antisémites et surtout une attitude très hostile à l’URSS de Staline puis à la Résistance d’obédience communiste. Aucun de ces textes n’est le fait de Yann Fouéré, même si sa responsabilité, en tant que directeur de rédaction, peut être retenue. L’enjeu du procès, nous le verrons plus loin, est ailleurs…Aucun universitaire, historien ou en sciences politiques, n’a jusqu’à présent épluché l’ensemble des éditions de La Bretagne et pu établir une responsabilité précise. Surtout, il reste à établir une étude sérieuse de comparaison des quotidiens bretons pour distinguer d’éventuels excès de zèle pro-Vichy ou pro-allemand. Rappelons que la censure s’appliquait, avec la même véhémence, à tous les périodiques imprimés légalement. Le juge d’instruction Martin a fait des recherches de responsabilités sur des périodes différentes : de mars 1941 à la libération pour La Bretagne, mais seulement à partir d’avril 1942 pour La Dépêche ce qui exclut la période où Le Gorgeu et Coudurier assumaient la direction du quotidien. Yann Fouéré se sait visé. Il risque la confiscation de ses biens présents – il n’en a pas – et à venir. Il n’ignore pas non plus que Le Gorgeu entend récupérer les actions de La Dépêche qu’il lui a vendues, que Coudurier cherche à se maintenir à la tête du quotidien rebaptisé Le Télégramme.
Yann Fouéré avait rodé sa défense en témoignant pour Yves Le Diberder, journaliste de la Dépêche et de La Bretagne, lors de son procès devant la Chambre Civique de Rennes à la fin de l’année 1945. Il est acquitté comme Jean Fouéré et Joseph Martray en janvier 1946. La non-condamnation de ces deux derniers ne doit rien à la clémence des juges mais repose sur le fait qu’elle innocente également la société éditrice du Finistère, reprise en main par Le Gorgeu. Dès lors, Yann Fouéré peut attendre avec soulagement son procès. Mais, quelques jours avant l’ouverture du procès, l’acte d’accusation est remanié et les sanctions envisagées s’alourdissent considérablement. Yann Fouéré ne veut pas prendre le risque d’un long emprisonnement. Il réalise enfin qu’il s ‘était trompé, en pensant que ce qui avait été conquis ces dernières années pour la Bretagne ne serai pas suprimé par le nouveau régime.  En accord avec son avocat, Jean-Louis Bertrand, il décide de s’enfuir. Le procès doit s’ouvrir le 18 février 1946 mais l’ancien secrétaire du Comité Consultatif prend le premier train du 16 février pour Paris.
Lorsque la condamnation aux travaux forcés à perpétuité tombe en 1946, le père du militant s’étonne auprès d’un haut fonctionnaire de la gravité de la sanction qu’il compare à celle de Raymond Delaporte qui, lui, n’a eu que 20 ans de prison. On lui signifie alors que son fils est beaucoup plus dangereux. C’est ce que pense d’ailleurs Yann Fouéré en dénonçant le caractère purement politique du procès : « il avait permis de sceller une sorte de marchandage politique et électoral entre le MRP d’obédience chrétienne, dont Henri Fréville et Teitgen étaient les représentants à Rennes, et certains éléments du vieux parti radical socialiste jacobin et anti-clérical, dont Le Gorgeu, commissaire régional, était localement le chef de file ». Assurément, la date du procès peut étonner : il s’achève deux jours seulement avant la fin des fonctions des commissaires régionaux, désormais inutiles. A quelques temps près, c’est une autre juridiction, certainement moins orientée, qui aurait mené le procès de l’ancien directeur de La Bretagne. Il est condamné le 29 mars 1946 aux travaux forcés à perpétuité et à l’indignité nationale.

LA BRETAGNE EN EXIL

Yann Fouéré décide de vivre dans le plus grand secret, coupé des siens, changeant régulièrement de logement en région parisienne. Le gouvernement basque en exil verse alors, son traitement à son épouse Marie-Madeleine. Il envisage d’ailleurs de rejoindre le Pays Basque espagnol mais ses relations basques l’en dissuadent : il risque de tomber dans les filets des autorités franquistes réprimant alors tout mouvement de libération basque. Il prend donc le chemin du Pays de Galles qu’il connaît bien. Mais avant, il lui faut trouver une nouvelle identité et des faux papiers. Il ne peut assister à la naissance de son troisième enfant, Erwan, qu’il apprend par un télégramme adressé à des membres de la famille.

C’est au Pays de Galles que Yann Fouéré, devenu officiellement le docteur Moger, s’installe, grâce aux soutiens dont il dispose au sein du Congrès Celtique et du Plaid Cymru, le parti national gallois. Un Welsh Breton Commitee est créé afin d’aider les réfugiés bretons. Il édite également une revue de presse mensuelle, le Breton National News Service. A la rentrée universitaire de 1946, grâce à ses soutiens locaux, il obtient le poste d’assistant de français à l’Université de Swansea. C’est à partir de cette ville qu’il peut enfin reprendre une correspondance avec ses compagnons restés sur Paris. Peu à peu, de nouveaux exilés le rejoignent ou passent directement en Irlande. Avec l’aide de familles galloises, Yann Fouéré s’efforce de faciliter le séjour obligé de ces militants en fuite. D’ailleurs, ce sont ces mêmes personnalités galloises qui soutiennent ou composent la délégation qui se rend en Bretagne, entre le 21 avril et le 1er mai 1947, à l’invitation de l’ambassade de France afin de « dissiper les malentendus qui paraissent s’être créés dans l’opinion galloise au sujet de la Bretagne ». Le rapport de la délégation signale qu’il « est difficile de ne pas conclure que le simple fait d’avoir eu une activité bretonne de quelque nature que ce soit, a été pour le gouvernement français motif suffisant à persécution » et qu’il semble « indiscutable que le gouvernement français a pris prétexte des actions de quelques extrémistes, qui ont collaboré avec les Allemands, pour tenter de discréditer le mouvement breton».

sc00062d31.jpg 1947 Wernellyn, Pays de Galles. Yann Fouéré et la famille Evans. Rhiannon est le 2e personne en haut a gauche, Gwynfor est la 4e personne en haut a gauche et Yann Fouéré est en haut à droite.

Grâce à l’aide de Gwynfor et Rhiannon Evans, militants gallois très connus (1), la famille Fouéré peut enfin se retrouver en mars 1947. Les enfants et leur mère sont hébergés chez les Evans tandis que le père reste à Swansea la semaine et rentre le week-end. Hélas, après l’été 1947, il ne peut retrouver son poste à l’Université de Swansea : la direction a reçu des pressions de l’ambassade de France. La famille part pour Llandeilo où un collège catholique doit ouvrir. Yann Fouéré partage son temps entre plusieurs établissements d’enseignement gallois. Une vie normale reprend peu à peu pour la famille enfin reconstituée. Mais, début 1948, l’ancien militant reçoit l’ordre des autorités britanniques de quitter le territoire.

(1)Leader du mouvement national gallois, Gwynfor Evans est un militant de la prmière heure du Plaid Cymru.

C’est à nouveau l’exil. Il décide de rejoindre les militants bretons déjà en exil à Dublin. C’est la misère pour l’ancien directeur de la Bretagne : il retrouve régulièrement ses amis à la soupe populaire. Il alterne les petits boulots : cours particuliers de français, articles pour différents périodiques, participation à la revue de presse Breton National News Service,… Lors d’une visite clandestine à sa famille, Yann Fouéré est arrêté et doit alors être extradé vers la France. Heureusement, ses amis gallois mènent une active campagne de soutien : il est mis dans un bateau à destination de l’Irlande. Là-bas, il s’empresse de clarifier sa situation de réfugié afin de ne pas connaître pareille mésaventure.

Juillet 1948 : la famille rejoint Yann à qui un vieil ami, Thomas de Bhaldraite, a prêté sa maison de Dublin pour l’été. Même les grands-parents Fouéré font le voyage pour revoir leur fils, disparu depuis déjà trois ans. Les Fouéré reprennent goût à la vie : Yann se partage entre ses cours de français, la rédaction d’articles pour diverses revues, le placement de jeunes filles au pair dans des familles et… la vente de ses pâtés alors que Marie-Madeleine trouve un travail d’esthéticienne et des possibilités de servir de mannequin pour défilés de mode. La famille s’est installée à Bray et les aînés des enfants sont scolarisés avec l’aide de la congrégation de Saint-Vincent de Paul. A l’automne 1949, la famille investit une plus grande maison à Ranelagh qui permet de louer quelques chambres à des étudiants. Yann ne retrouve sa famille que le week-end : la semaine, il part pour enseigner le français au Collège de Glenstal dans le comté de Limerick. Mais cette nouvelle séparation est de courte durée…

Au cours de ce même automne, Marcel Samzun, mareyeur breton installé dans le Connemara depuis la Première Guerre Mondiale prend contact avec les Fouéré. Les frères Samzun ont installé des viviers à Cleggan et exploitent des sources d’approvisionnement très riches en crustacés et coquillages ensuite vendus sur le continent. Les deux frères partagent leur temps entre la Bretagne et l’Ouest de l’Irlande et cherchent, la soixantaine bien entamée, un associé afin de les seconder, dans un premier temps, de leur succéder à terme. Les Samzun pensent alors à Yann Fouéré.A Pâques 1950, après une visite des lieux, Yann Fouéré accepte l’association et la famille quitte la douce Dublin pour une rude existence dans le Connemara.

Les époux Fouéré s’installent dans un cottage très rudimentaire… Après la saison de pêche, l’ancien sous-préfet s’improvise architecte pour bâtir une habitation sensée faciliter la vie sur place malgré l’absence d’électricité et d’égouts. Ce n’est qu’à l’été 1953 que la famille, agrandie par l’arrivée d’une quatrième enfant, Benig, emménage dans la nouvelle maison. Une cinquième enfant, Olwen, naît quelques années plus tard. L’affaire commerciale a pris une vitesse de croisière qui permet aux Fouéré de voir les soucis s’éloigner peu à peu. Le militant peut alors penser à un éventuel retour en Bretagne…

LE RETOUR DES BREIZ ATAO

Lors du Congrès Celtique de 1953, Yann Fouéré retrouve avec plaisir ses camarades exilés mais surtout des compagnons venus de Bretagne, Ronan Huon notamment, et fait la rencontre de Pierre Lemoine, Per Denez,… Cette réunion informelle permet d’étudier la situation des réfugiés et s’achève sur la volonté exprimée de remettre sur pied un nouveau mouvement politique breton.

Votée le 24 juillet 1953, une loi d’amnistie concernant les condamnés à l’indignité nationale ouvre de nouvelles perspectives pour les Bretons exilés. Elle permet la révision des condamnations lors de nouveaux procès. Avec l’avocat Jean-Louis Bertrand, Yann Fouéré entame une procédure de révision de son procès devant le Tribunal militaire de Paris début 1955. L’ancien secrétaire du Comité Consultatif retrouve alors Paris, ville qu’il a quitté dix ans plus tôt. Joseph Martray, Budes de Guébriant, Jean Quénette et d’anciens collègues du Ministère de l’Intérieur témoignent en sa faveur. L’accusation a, quant à elle, convoqué Victor Le Gorgeu et Marcel Coudurier, qui ne vient pas, certificat médical à l’appui.

C’est l’acquittement pur et simple. (Voir la copie du jugement rendu par le tribunal Militaire de Paris, le 3 Juin 1955, dans la rubrique Archives du site, sous Yann Fouéré.) Après avoir été acquitté de la condamnation par contumace aux travaux forcés à perpétuité de 1947, Yann Fouéré demande, devant le Tribunal de Commerce de Morlaix, 5 millions de francs pour la spoliation de ses biens. Il obtient réparation mais le jugement est rejeté en appel à Rennes. Non seulement il ne s’est pas enrichi sous l’Occupation mais il a tout perdu…

A l’automne 1955, Yann Fouéré, enfin libéré de sa lourde condamnation, entreprend le retour en Bretagne. Après un nécessaire voyage d’affaires à Paris, il peut entamer un voyage de retrouvailles avec ce qu’il appelle sa « patrie charnelle ». Ce Tro Breizh est certainement une deuxième victoire personnelle, après celle du procès du printemps précédent. A Rennes, il revoit la plupart de ses anciens compagnons de lutte lors de l’assemblée générale de Kendalc’h, alors présidée par Pierre Mocaer. Deux jeunes de la Jeunesse Etudiante Bretonne proposent alors à Yann Fouéré de donner une conférence pensée comme point de départ d’une nouvelle aventure politique. Ce périple breton passe par St-Lunaire où vivent ses parents, Brest, Quimper et Nantes. Il multiplie les contacts avec ceux qui seront les premiers animateurs du futur mouvement politique breton.

C’est au mois de mai 1956, à Rennes, qu’a lieu la première conférence organisée par la JEB. Ce premier rendez-vous inaugure un cycle de conférences sur la situation de la Bretagne, données à Paris, Quimperlé. Conforté dans son idée de susciter une nouvelle expression politique bretonne, il travaille, avec d’autres militants, un Projet d’Organisation de la Bretagne. La première version reprend les grandes lignes du Projet de statut pour la Bretagne proposé en 1942. Le texte final est mis au point chez Yann Poupinot après avis de Joseph Martray, Pierre Laurent, Yvonig Gicquel, Pierre Lemoine et Jean Kergren (1). Ce POB est vite imprimé et proposé à la signature sous forme de pétition. Ce programme est très modéré : il vise l’obtention «d’une représentation parlementaire régionale, administrant les affaires propres à la Province». Les premiers retours permettent de mettre en place des comités locaux chargés de préparer la naissance du mouvement breton. Forts de leurs plusieurs milliers de signataires, les promoteurs du POB lancent le 11 novembre 1957 à Lorient, le Mouvement pour l’organisation de la Bretagne (MOB) et son journal L’Avenir de la Bretagne. Le nouveau journal prend la suite d’Ar Vro / Jeune Bretagne, fondé par Per Lemoine qui apporte ses abonnés et son fichier. Le MOB entend défendre le développement économique et social de la péninsule, avec un positionnement fédéraliste. Le MOB va permettre à la revendication bretonne de refaire surface dans la vie publique. Mais, très prudemment, le MOB se situe dans le cadre du travail du CELIB (2): il appelle des mesures politiques et administratives sans lesquelles le travail du Comité serait vain. Ses concepteurs ont élagué tout ce qui risquerait de le condamner dès sa naissance : aussi, ce projet régionaliste ne laisse que peu de place à l’autonomie. Il sera le matrice des autres mouvement Breton qui viendront après.

(1) Sur le POB, le MOB, lire « Le retour du mouvement breton après 1945 », Lionel Henry, Yoran Embanner, 2003.
(2) Le Comité d’Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons, créé en 1950, est un mouement d’élus pour la défense des intérêts économiques de la Bretagne.

3.jpg 1966 Yann Fouéré au centre: Important débat européen organisé à Saint Brieuc, sous l’égide de ‘ l’Avenir de la Bretagne’, sur l’Europe aux Cent Drapeaux ou Europe des Régions, avec la participation de Guy Héraud, M.Philipponeau, Paul Sérant, Yann Brékilien et Alain Guel réaffirmant cette position.
Directeur du journal L’Avenir de la Bretagne, Yann Fouéré imprime une marque durable sur le mouvement breton. A côté d’une Bretagne libre de son destin, il défend également l’idée d’une Europe démocratique et fédérale, respectueuse de ses minorités nationales. De la même manière, son livre L’Europe aux Cent Drapeaux préconise l’organisation de l’Europe sur une base fédérale avec des régions-nations majeures. Yann Fouéré a profondément inspiré la pensée fédéraliste européenne.

Durant ses voyages d’affaires, il reprend et developpe ses contactes avec d’autres minorités nationale et entreprends de nombreuses conférences internationale, étant demandé pour son expertise dans le Federalisme et les Minorités Nationale.  Avec Per Lemoine et d’autres, il travail étroitement avec l’Union Fédéraliste des Communautés Ethniques, U.F.C.E.

En 1961, au cours de l’Eistedfodd de Rhys, avec Gwynfor Evans et J.E.Jones, il est un des fondateurs de la Celtic League. Plus tard, en 1981 à Bruxelles, il sera un des fondateurs  de l‘A.L.E, L’Alliance Libre Européenne.

0012.jpg En 1967 il est nommé Chevalier de Grâce, de l’Ordre de Sant-Jean de Jérusalem, Chevaliers Hospitaliers de Malte.

A la fin des années 1960, la Bretagne est touchée par les attentats du FLB. Nombreux sont les indices qui montrent une filiation entre le FLB-ARB (1) et le mouvement politique breton traditionnel. On devine chez des personnalités comme Yann Fouéré une volonté, à peine cachée, d’attiser les revendications bretonnes en recourant à l’action clandestine.
Aussi, Yann Fouéré est régulièrement suspecté de participer aux activités du mouvement clandestin FLB. Il est emprisonné d’octobre 1975 à février 1976 dans le cadre d’une vaste opération policière contre le FLB. En 1977, Yann Fouéré publie le livre En prison pour le FLB qui relate les conditions de son arrestation et de sa détention de plus de trois mois à la prison de La Santé. Le vieux leader nationaliste a bien appartenu au Kuzul Meur du premier FLB (1966-1969) mais n’a plus de responsabilités après l’amnistie de 1969 et l’apparition de nouveaux FLB.

(1) Sur le Front de Libération de la Bretagne – Armée Républicaine / Révolutionnaire Bretonne, lire FLB-ARB, L’histoire (1966-2005), de Lionel Henry et Annick Lagadec, Yoran Embanner, 2006.

Pourtant, en 1975, les policiers l’arrêtent à l’aéroport de Saint-Brieuc et découvrent, à son domicile briochin, des détonateurs et divers documents se rapportant au mouvement clandestin. Pour sa défense, Yann Fouéré précise que les détonateurs sont utilisés régulièrement pour son activité de mareyeur en Irlande, et que les documents étaient depuis longtemps rendus publics. L’arrestation de Yann Fouéré peut surprendre. Y a-t-il de réelles suspicions à son égard ? S’agit-il d’envoyer un signe fort à l’Emsav et aux candidats à la clandestinité ? Ou encore d’une tentative grossière de jeter le discrédit sur le mouvement clandestin en agitant maladroitement le spectre d’une supposée collaboration ? Yann Fouéré, malgré de longues semaines de détention, bénéficie d’un non lieu dans cette affaire.Le rôle de Yann Fouéré est avéré dans le rapprochement entre militants du FLB : il permet à quelques militants isolés de Rennes de rejoindre le reste du réseau en 1977. Ainsi, une première rencontre entre combattants a pu avoir lieu dans la campagne d’Evran (Côtes d’Armor) à proximité de la ferme familiale des Fouéré, malgré une surveillance policière permanente. En 1978, le juge d’instruction de la Cour de Sûreté de l’Etat lance un mandat d’arrêt contre le militant nationaliste pour « association de malfaiteurs, infraction en relation avec une entreprise consistant ou tendant à substituer une autorité illégale à celle de l’Etat ». Soupçonné d’être l’inspirateur de commandos du FLB, Yann Fouéré est alors hors de portée, sur ses terres d’Irlande. L’année suivante, après l’attentat remarqué du FLB contre la villa du commissaire Le Taillanter, chef du SRPJ, c’est Yann Fouéré qui permet aux jeunes auteurs de s’établir sur le sol irlandais.

trial.jpg 1975 Campagne faite par sa famille et amis en Irlande pour la Liberation de Yann Fouéré.
Après la disparition du MOB, le mensuel de Yann Fouéré accompagne les combats du Front Breton (1968), de Sav Breizh (1969) et reprend force avec la création du parti SAVStrollad Ar Vro, un héritier direct du MOB qui aurait tenu compte de l’évolution socio-économique de la Bretagne -Yann Fouéré se présente candidat aux élections legislatives pour Dinan – Mais avec l’échec électoral de Strollad ar Vro, aux législatives de 1973, le journal enregistre une forte érosion du nombre de ses lecteurs et collaborateurs. Plus encore, le journal n’est pas oublié dans la vague de répression contre le FLB… Menaces d’interdiction, vols répétés, incendies criminels des locaux auront raison de la ténacité des militants assurant la sortie mensuelle de L’Avenir.

papa-1.jpg1982 Yann Fouéré, Boris Pabor (écrivain Slovéne), Yvo Peters (écrivain Flamand), a la conférence de L’Europe des régions, Saint Vincent (Vallée d’Aoste, Italie).
Plusieurs tentatives de recréer l’expérience du MOB échouent et il faut attendre l’amnistie de 1981 pour voir arriver les militants qui vont donner vie au Parti pour l’Organisation d’une Bretagne Libre, POBL, qui signifie également « peuple » en breton). Réapparue dès janvier 1980, la revue L’Avenir de la Bretagne précède de plusieurs mois la formation du Parti, créée début 1982. Le nouveau mouvement, qui a d’abord utilisé l’appellation SAV, reprend l’idée fédéraliste et nationaliste bretonne défendue par Yann Fouéré mais la place désormais dans une optique d’économie libérale et refuse le clivage droite- gauche pour lui préférer le terrain de la seule « libération nationale ». POBL s’engage alors à favoriser toute expérience en faveur de l’élection d’une assemblée régionale au suffrage universel direct ou de la réunification de la Bretagne. Formation de type autonomiste, nationaliste et profondément fédéraliste européenne, POBL reprend naturellement les théories de « L’Europe aux 100 drapeaux » de Yann Fouéré, président honoraire du parti. Le parti connaît, au début des années 90, une période relativement faste avec plusieurs centaines de militants encartés (deux à trois cents) répartis sur sept fédérations. POBL participe d’ailleurs aux élections régionales de 1986 (seul et uniquement en Ille-et-Vilaine) et de 1992 (listes d’union du mouvement breton sur les 5 départements). Mais, du fait de son positionnement politique ou de l’âge de ses militants, il n’arrive pas à créer une force dynamique : ses participations et scores électoraux restent faibles, son message n’est que peu reçu par les Bretons… En 2005, après un quart de siècle d’existence, POBL entre en sommeil, concentrant son activité sur la parution de L’Avenir. C’est encore dans son mensuel que Yann Fouéré défend son argumentation en faveur d’une Bretagne émancipée dans le cadre d’un fédéralisme des régions d’Europe.

006.jpg 2006 Yvo Peeters, Vice President de l’Union national des Ecrivains Flamand (VVNA), présente la médaille de Membres d’honneur de l’Union à Yann Fouéré – L’Union ne permet que 8 membres d’honneur et Yann prend la suite de Guy Héraud qui est décédé.

En 1999, Yann Fouéré créé l’I.D.B.E., Institut de Documentations Bretonne et Européenne, établissant ainsi une structure pour la conservation d’archives concernant l’histoire de la Bretagne, les mettant à la disposition d’historiens et de chercheurs, et fournissant une base pour La Fondation Yann Fouéré.

Décédés le 20 Octobre 2011 à l’âge de 101 ans, en nous laissant ces quelques mots:-

EN GUISE D’ADIEU

C’est mon corps seulement que vous mettez en terre

Car je vous laisserai l’écho de mes combats,

Que l’exil, la prison, la crainte ni la guerre

Qui ne m’ont arrêté, ne vous arrêtent pas!