LA BRETAGNE EN EXIL

Yann Fouéré décide de vivre dans le plus grand secret, coupé des siens, changeant régulièrement de logement en région parisienne. Le gouvernement basque en exil verse alors, son traitement à son épouse Marie-Madeleine. Il envisage d’ailleurs de rejoindre le Pays Basque espagnol mais ses relations basques l’en dissuadent : il risque de tomber dans les filets des autorités franquistes réprimant alors tout mouvement de libération basque. Il prend donc le chemin du Pays de Galles qu’il connaît bien. Mais avant, il lui faut trouver une nouvelle identité et des faux papiers. Il ne peut assister à la naissance de son troisième enfant, Erwan, qu’il apprend par un télégramme adressé à des membres de la famille.

 C’est au Pays de Galles que Yann Fouéré, devenu officiellement le docteur Moger, s’installe, grâce aux soutiens dont il dispose au sein du Congrès Celtique et du Plaid Cymru, le parti national gallois. Un Welsh Breton Commitee est créé afin d’aider les réfugiés bretons. Il édite également une revue de presse mensuelle, le Breton National News Service. A la rentrée universitaire de 1946, grâce à ses soutiens locaux, il obtient le poste d’assistant de français à l’Université de Swansea. C’est à partir de cette ville qu’il peut enfin reprendre une correspondance avec ses compagnons restés sur Paris. Peu à peu, de nouveaux exilés le rejoignent ou passent directement en Irlande. Avec l’aide de familles galloises, Yann Fouéré s’efforce de faciliter le séjour obligé de ces militants en fuite. D’ailleurs, ce sont ces mêmes personnalités galloises qui soutiennent ou composent la délégation qui se rend en Bretagne, entre le 21 avril et le 1er mai 1947, à l’invitation de l’ambassade de France afin de « dissiper les malentendus qui paraissent s’être créés dans l’opinion galloise au sujet de la Bretagne ». Le rapport de la délégation signale qu’il « est difficile de ne pas conclure que le simple fait d’avoir eu une activité bretonne de quelque nature que ce soit, a été pour le gouvernement français motif suffisant à persécution » et qu’il semble « indiscutable que le gouvernement français a pris prétexte des actions de quelques extrémistes, qui ont collaboré avec les Allemands, pour tenter de discréditer le mouvement breton».

sc00062d31.jpg 1947 Wernellyn, Pays de Galles. Yann Fouéré et la famille Evans. Rhiannon est le 2e personne en haut a gauche, Gwynfor est la 4e personne en haut a gauche et Yann Fouéré est en haut à droite.

 Grâce à l’aide de Gwynfor et Rhiannon Evans, militants gallois très connus (1), la famille Fouéré peut enfin se retrouver en mars 1947. Les enfants et leur mère sont hébergés chez les Evans tandis que le père reste à Swansea la semaine et rentre le week-end. Hélas, après l’été 1947, il ne peut retrouver son poste à l’Université de Swansea : la direction a reçu des pressions de l’ambassade de France. La famille part pour Llandeilo où un collège catholique doit ouvrir. Yann Fouéré partage son temps entre plusieurs établissements d’enseignement gallois. Une vie normale reprend peu à peu pour la famille enfin reconstituée. Mais, début 1948, l’ancien militant reçoit l’ordre des autorités britanniques de quitter le territoire.

(1)Leader du mouvement national gallois, Gwynfor Evans est un militant de la prmière heure du Plaid Cymru. 

C’est à nouveau l’exil. Il décide de rejoindre les militants bretons déjà en exil à Dublin. C’est la misère pour l’ancien directeur de la Bretagne : il retrouve régulièrement ses amis à la soupe populaire. Il alterne les petits boulots : cours particuliers de français, articles pour différents périodiques, participation à la revue de presse Breton National News Service,… Lors d’une visite clandestine à sa famille, Yann Fouéré est arrêté et doit alors être extradé vers la France. Heureusement, ses amis gallois mènent une active campagne de soutien : il est mis dans un bateau à destination de l’Irlande. Là-bas, il s’empresse de clarifier sa situation de réfugié afin de ne pas connaître pareille mésaventure.

Juillet 1948 : la famille rejoint Yann à qui un vieil ami, Thomas de Bhaldraite, a prêté sa maison de Dublin pour l’été. Même les grands-parents Fouéré font le voyage pour revoir leur fils, disparu depuis déjà trois ans. Les Fouéré reprennent goût à la vie : Yann se partage entre ses cours de français, la rédaction d’articles pour diverses revues, le placement de jeunes filles au pair dans des familles et… la vente de ses pâtés alors que Marie-Madeleine trouve un travail d’esthéticienne et des possibilités de servir de mannequin pour défilés de mode. La famille s’est installée à Bray et les aînés des enfants sont scolarisés avec l’aide de la congrégation de Saint-Vincent de Paul. A l’automne 1949, la famille investit une plus grande maison à Ranelagh qui permet de louer quelques chambres à des étudiants. Yann ne retrouve sa famille que le week-end : la semaine, il part pour enseigner le français au collège de Glenstal dans le comté de Limerick. Mais cette nouvelle séparation est de courte durée…

Au cours de ce même automne, Marcel Samzun, mareyeur breton installé dans le Connemara depuis la Première Guerre Mondiale prend contact avec les Fouéré. Les frères Samzun ont installé des viviers à Cleggan et exploitent des sources d’approvisionnement très riches en crustacés et coquillages ensuite vendus sur le continent. Les deux frères partagent leur temps entre la Bretagne et l’Ouest de l’Irlande et cherchent, la soixantaine bien entamée, un associé afin de les seconder, dans un premier temps, de leur succéder à terme. Les Samzun pensent alors à Yann Fouéré.A Pâques 1950, après une visite des lieux, Yann Fouéré accepte l’association et la famille quitte la douce Dublin pour une rude existence dans le Connemara. Les époux Fouéré s’installent dans un cottage très rudimentaire… Après la saison de pêche, l’ancien sous-préfet s’improvise architecte pour bâtir une habitation sensée faciliter la vie sur place malgré l’absence d’électricité et d’égouts. Ce n’est qu’à l’été 1953 que la famille, agrandie par l’arrivée d’une quatrième enfant, Benig, emménage dans la nouvelle maison. Une cinquième enfant, Olwen, naît quelques années plus tard. L’affaire commerciale a pris une vitesse de croisière qui permet aux Fouéré de voir les soucis s’éloigner peu à peu. Le militant peut alors penser à un éventuel retour en Bretagne

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